À l’Education Nationale : Ma perspective d’élève et de prof

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Quand j’étais petite, je ne savais pas ce que je voulais faire. Je disais sans doute comme mes copines et/ou j’inventais de faire des métiers tous plus farfelus les uns que les autres. Puis, je pense que l’idée d’être professeur est venue quand j’étais en cinquième. Je me souviens que ma professeur de cinquième était vraiment nulle : elle ne savait pas nous tenir, elle ne nous faisait pas avancer, elle ne nous motivait pas. Elle était nulle, en somme. Je ne l’ai sans doute pas formulé comme cela immédiatement. Mais à partir de la seconde, il était clair pour moi que je voulais devenir professeur d’anglais. J’ai continué ma scolarité en S, jusqu’à mon bac. Entre temps, j’ai redoublé ma première. Au moment des choix sur ADP – admission post-bac – j’étais majeure et je n’ai rien demandé à mes parents. J’ai fait mes propres choix, ceux que je pensais être bon pour moi.

Après mon bac, je suis allée en fac de langues. Mon idée de devenir professeur d’anglais était toujours profondément ancrée en moi et je voulais l’explorer. J’ai déchanté en arrivant à la fac. Des amphis bondées, des TD qui n’aident pas, des profs non motivants, des remontrances, des “de toute façon l’an prochain, vous ne serez plus que la moitié”. J’ai commencé en LLCE bilingue anglais – italien. J’avais des cours de littérature, de civilisation et de traduction dans les deux langues. Ce qui m’a le plus perturbée, c’était que les cours se faisaient dans la langue. Cela paraît logique au final mais avec un background S, pas facile de comprendre au début. J’ai quand-même eu mon année de L1. En L2, j’ai changé de parcours : je suis devenue LLCE Anglais, monolingue. Je n’ai pas regretté. Ce qui n’aide pas, à la fac, c’est que personne n’est derrière vous. Personne ne vérifie si vous avez bossé vos deux heures de TD de civi avant de venir en cours. Personne ne sait que vous n’avez toujours pas eu le temps de finir Gulliver’s Travels parce que vous avez quand même “‘travaillé” le passage dont on parle ce jour. Personne ne vous pousse, ce qui est à la fois libérateur mais aussi dangereux. En ce qui me concerne, j’ai toujours eu bien de la chance et j’ai passé la seconde année sans trop de soucis. La troisième année, une charge de travail un peu plus lourde – mais ça reste la fac. J’ai dû aller au rattrapage. Il me manquait 0,5pts, la haine. Je l’ai eue.

Pendant ma seconde année, j’avais fait une demande pour partir en Erasmus. Ça aurait été une occasion pour améliorer mon anglais oral qui laissait à désirer et de faire une année à l’étranger, partir à l’aventure. J’avais été prise puis refusée par l’université d’accueil pour une raison qui n’avait pas vraiment été expliquée par la professeur référente. Donc pendant ma troisième année, comme en plus j’en avais marre de mes études, j’ai décidé de partir un an en tant que fille au-pair en Angleterre. J’en ai profité pour chercher ce que je voulais faire dans la vie. Cela s’est soldé par : si j’essaye pas d’être prof d’anglais, je le regretterai toute ma vie.

Je suis revenue en France et j’ai entamé un master MEEF(Métier de l’Enseignement Et de la Formation) pour devenir professeur, professeur d’anglais. Soit on nous le dit pas, soit je ne l’ai pas entendu mais je trouve que la formation ne nous prépare pas à la réalité du terrain. La première année est consacrée à obtenir le CAPES. En gros, pour devenir prof vous faites une année de préparation au CAPES – avec 5 semaines en stage – et au bout de la première année, vous passez le CAPES. Si vous l’avez, vous devenez professeur stagiaire : vous finissez le master et en même temps vous donnez des cours, devant des vrais élèves.

Au bout de la première année, j’ai eu mon CAPES. De peu, mais je l’ai eu. J’ai été muté à 60 kilomètres de chez moi, dans un collège avec un nombre de CSP défavorisées de 42% – CSP : catégorie socio-professionnelle. Gloups. Mon collège : pas encore la REP mais presque.

J’enseignais du mercredi au vendredi. Le lundi et le mardi, j’étais à l’ESPE.

J’avais deux cinquièmes et une quatrième. Septembre : je bosse pas. Octobre : je commence à passer TOUT mon temps à ne faire que ça, à peaufiner mes cours, à revoir la progression. Novembre : remotivation mais les élèves ne suivent pas. Décembre : décision de partir. Janvier : je quitte le collège le 16.

Pour tout dire, j’avais mes torts. Je pense qu’à 24 ans, je n’avais pas la maturité et l’autorité nécessaire pour pouvoir faire face à des adolescents. Et ils en ont profité. Ils ne sauront sans doute jamais que je rentrais chez moi le midi et que je pleurais, tellement ils m’avaient humiliée, moquée, fatiguée à souhait. Ils ne sauront pas, on a refusé que je leur fasse une dernière remontrance.

Petites perles des élèves :

  • Bah, je coupe ma trousse.
  • Madame, vous allez bien depuis votre chute dans l’escalier ? LOL
  • Oh non, madame, partez pas, on n’aura plus des bonnes notes.

Petites perles de moi :

  • Vous voulez un tarte dans votre gueule ?
  • Putain, j’en ai marre.
  • Vous avez pas compris ? Bah tant pis.

Il faut être honnête j’étais devenue ma professeur d’anglais de cinquième. J’étais nulle. Je sais que je ne donnais pas du tout envie aux élèves. Je sais que mes cours étaient nuls. Et c’est pour cette raison précise – parce que j’étais devenue celle que je ne voulais à tout prix pas être – que j’ai pris la décision de partir.

Ce que je reproche à l’éducation nationale, c’est de sans cesse s’adapter aux élèves. Les objectifs sont de moins en moins élevés car il ne faut pas trop brusquer les pauvres petits choupinous. Il ne faut pas leur parler comme si comme si comme ça, parce que ça va les marquer. De mon temps d’élève, on se prenait un remontrance, ça nous calmait.

De notre temps, les élèves sont de plus en plus vicieux et sans gêne. Je pense que la plupart sait qu’au final, on ne peut rien si ce n’est les punir – utilement. Éthique et responsable. La bonne marade de l’éducation nationale qui baisse le niveau pour accommoder le plus grand nombre d’élèves. Et les profs ? Et les élèves qui en veulent ? Les textes ne prévoient rien pour protéger les enseignants de la conduite parfois intolérable de certains de leurs élèves. Ils laissent les pauvres profs dans leur merde parce que, c’est bien connu, on est très adaptable. Et pour l’élève qui vous crie dessus deux jours avant que vous partiez, qui vous dis à quel point vous êtes nulle, il se prend quoi cet élève ? Une heure de colle ? Un renvoi temporaire, basta. La solution.

Voilà pourquoi je suis partie. Je suis allée dans le privé. Et dans quelque chose de radicalement différent. Et même si ce n’est pas le même confort parce que je ne suis pas en CDI – pas encore – et que je peux virer à tout moment, j’aurais à jamais la réponse à la question : “et si j’avais été prof ?”

Pour ceux qui veulent devenir professeur et qui ont encore la foi, je vous conseille de ne pas continuer la lecture.

Même en le peu de temps où j’ai été prof, je me suis rendu compte de pas mal de choses.

Premièrement, et selon moi le plus impactant : le système est fait pour arranger les élèves. Les professeurs, on s’en fout, ils ont choisis d’être là. Les élèves, non. Du coup, faut être gentils avec eux. Je sais, je sais, on n’est pas là pour être méchant mais si on ne peut plus leur faire peur… Par exemple, le redoublement, sauf à le demander, n’existe plus, c’est trop cher. Des élèves avec 4 de moyenne ? Ils passent, c’est évident. LOL

Deuxièmement : les moyens sont faibles, voire inexistant. Ok dans la plupart des établissement t’as plus des retroprojecteur mais t’as des vidéo projecteur. Certain, même ont un tableau intelligent. Sauf que quand tu galères ou quand le video projecteur ou le tableau marchent pas t’as l’air bien con.

Et tout un tas d’autres choses…

Je sais que j’ai beaucoup de part de responsabilité dans le désastre de mes quelques mois de professeur. Je sais que la plupart des choses pas top sont arrivées par ma faute, parce que je n’étais tout simplement pas prête à assumer que quand on commence dans ce métier, c’est dur. Les premières années, tu en chies. Beaucoup.

Sur toute ma promo – que je ne suis plus – je pense que la plupart est restée professeur. À dire vrai, je m’en fiche un peu. Mais ceux qui le sont restés, malgré la mutation dans la REP, malgré l’éloignement des proches, malgré TOUT, je les admire. Je n’ai pas eu le courage de me dire que j’allais patienter 5 ou 10 ans avant que les choses deviennent plus simple.

Je pense que le privé m’épanouit plus que la fonction publique. Certes, le gros avantage de la fonction publique, c’est que une fois dedans, tu ne peux pas vraiment en ressortir. Tu as la sécurité de l’emploi, à vie. Et je pense que ça a malheureusement joué un rôle dans le choix de mon poste de professeur.

Depuis, j’ai retrouvé du travail. À ce jour, je suis en CDD dans une grosse boite dans le domaine de l’énergie. Et je kiffe.

14 commentaires

  1. Depuis ma classe de seconde ou de première, j’ai toujours voulu être prof, je pense que c’est aussi étroitement lié à mon parcours scolaire pas totalement droit sans pour autant être en montagnes russes.
    Ton article me conforte dans l’idée que ce n’est pas une bonne idée pour moi, même si je suis plutôt au niveau lycée (mon truc c’est l’éco). J’ai des cours avec les MEEF, (master 1 en cours) et en fait je partage ton avis sur l’âge. C’est en partie pourquoi je ne suis pas allé en MEEF cette année, je me trouve encore trop jeune pour enseigner et avoir la légitimité d’enseigner, d’en imposer suffisamment. La présence est importante comme tu le dis, pour ne pas être ce prof « nul », surtout que je note très sévère par expérience…(que ce soit mes collègues ou quand je participe à des notations en ligne pour divers projets). Alors avec tout ça…c’est pas la bonne idée.
    Pour l’anglais je ne pense pas que ce soit vraiment quelque chose qui rentre en compte mais je sais qu’en économie j’ai un sérieux problème avec le recul à la connaissance et c’est aussi pour ça que je souhaite faire un doctorat avant d’essayer d’enseigner en lycée. Chez moi l’enseignement a quelque chose d’éthique, de moral. Une transmission de ce qu’on m’a donné et de la chance que j’ai eu de pouvoir changer de milieu social, de découvrir de supers choses qui n’étaient pas chez moi. Ne pas avoir le niveau nécessaire pour remettre en perspective les sciences éco, ça m’empêche d’essayer. Dans la Crise de la culture, Arendt en parle brièvement, je partage totalement son avis même s’il est un peu trop poussé.
    Je vais quand-même être plus mitigé sur les exigences qui baissent. Oui en effet elles baissent mais globalement le jeune d’aujourd’hui a plus de bagage intellectuel/culturel qu’avant. Ce n’est pas de la culture classique mais reste que c’est une culture. Le langage évolue aussi. L’école se place un peu au milieu de tout ça à défendre une culture classique qui est a contre courant de ce « qu’on » peut vivre, il y a une violence certaine dans l’école de nos jours. Je le dis parce que j’ai redoublé une fois, en seconde, et à la fac, un semestre. A chaque fois mes redoublement ont été bénéfiques. Là dessus je te suis, le redoublement c’est important, très important, mais il faut aussi bien le faire, l’encadrer. Au lycée je n’ai pas été encadré pour le réussir, heureusement que j’ai une grosse capacité à me changer sinon bah…pas de fac pour moi. Ça aurait été dommage.
    Enfin bon…ouais. Sinon moi j’aime beaucoup ce coté libre à la fac.

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  2. Après je dis pas non plus d’être ultra strict juste un peu plus que maintenant. A l’heure actuelle, pour régler un problème de violence tu envoies un gamin chez lui, en.Quoi c’est constructif ? Lol

    Les exigences ne veut pas dire l’excellence mais au moins faire des efforts. Beaucoup de prof du collège ou j’ai enseigné s’en foutais un peu et ca quand tu commence c’est chaud.

    Après je suis pas un exemple non plus. Mais ca dépend de chacun si tu sens que c’est ce que tu veux faire au moins tente le, de ne pas te demander pour le reste de ta vie ^^

    A bientôt

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  3. J’ai aussi travaillé dans l’Education nationale un an en primaire. J’ai eu droit aux visites d’autres enseignants chargés de m’évaluer. Certains étaient admiratifs car ils ne connaissaient pas du tout le milieu des jeunes enfants, d’autres t’expliquaient leurs idées irréalisables (du genre changer la disposition de la classe en sachant que je n’y étais qu’un jour ou deux par semaine, ajouter des bancs qui n’existaient pas) et puis ceux qui n’y connaissaient absolument rien mais qui venaient t’expliquer que tu faisais de la m****. J’ai eu ainsi une prof de français de lycée venue dans ma classe et me dire que ma séance de maths était catastrophique. Je lui demande en quoi : premièrement les élèves parlent pendant le cours… Oui je leur demande de participer donc forcément ils parlent… Ensuite parce que la séance en soi est nulle… Donc je lui demande ce que j’aurai dû faire et elle me répond qu’elle n’est pas spécialiste donc qu’elle ne sait pas mais que c’était nul. Ensuite ma séance de français nulle aussi, les élèves devaient travailler sur une fiche nulle. Quand je lui ai dit que la fiche était de l’enseignante titulaire de la classe elle m’a dit que ça devait alors être la façon dont je l’avais présenté qui n’allait pas. Et ça a duré comme ça 1h30 (donc pas de repas pour moi vu que c’était entre midi et deux). A la fin je me suis souvenu des profs de l’ESPE/IUFM qui nous disaient que les inspecteurs nous diraient toujours au minimum un point positif donc j’ai espéré et osé demandé le point positif (oui j’en ai demandé qu’un, pas trop gourmande ^^) et après une dizaine de minutes de réflexion elle m’a répondu la déco de la classe… Je lui ai expliqué que ce n’était pas de moi vu que je venais d’arriver et elle m’a dit qu’elle le savait… Voilà aussi ce qu’on subit en tant que prof stagiaire, de la méchanceté gratuite, un rabaissement et aucune aide ou solution. J’ai plus tard discuté avec l’AVS qui avait assisté à mes cours pour avoir son ressenti sur la matinée d’inspection et elle a été choquée des propos de l’inspectrice, elle avait trouvé que c’était une des journées les plus calmes, que les élèves avaient été sages et que mes cours ressemblaient à ceux de la titulaire ce qui m’a rassuré et permis de rester pour finir la journée. Mais j’ai vraiment eu envie de partir, ce qui m’a retenu c’était d’avoir des petits bouts casse pieds mais adorables en même temps et le soutien des autres enseignants de l’école.
    Finalement je ne suis plus prof car je n’ai pas réussi l’oral (à mon époque on passait les écrits puis on était prof stagiaire et enfin on passait l’oral, j’ai eu un mystérieux zéro éliminatoire en maths, ma matière préférée sans aucune explication là encore ^^ On avait été nombreux dans le même cas cette année-là). L’autre raison est que cette année-là m’a permis de me rendre compte à quel point être enseignant c’est dur. Pas à cause de la quantité énorme de préparation, pas à cause des inspecteurs haineux même si ça compte beaucoup, ce qui a été trop dur pour moi à vivre c’est de voir des enfants pas très bien traités voire maltraités, de tenter d’alerter et de voir que tout le monde préférait mettre la tête dans le sable pour ne pas avoir de la paperasse supplémentaire etc J’ai expliqué à une enseignante qu’un de ses élèves m’avait dit que sa mère l’enfermait dans sa chambre quand elle sortait et qu’il se faisait dessus car il n’avait pas d’accès aux toilettes, il avait des marques de coups, il faisait des dessins plein de sang, quand il se réveillait de sa sieste il était effrayé les premières minutes avant de se rendre compte qu’il était dans la classe, c’était le peu d’éléments que j’avais récolté en deux semaines de stages. L’enseignante m’a expliqué qu’en effet elle savait qu’il y avait des violences, la grand-mère de l’enfant lui avait dit qu’elle lui avait fait manquer 2 semaines de cours car elle l’avait emmené dans un autre pays le temps que sa mère se calme et que les bleus s’estompent. J’ai donc demandé à l’enseignante ce qu’elle allait faire et elle m’a répondu qu’elle allait continuer d’observer pour récolter des preuves. La vérité c’est qu’elle attendait qu’il aille dans la classe du prochain enseignant pour ne pas avoir à s’embêter. Et en effet j’ai pris des nouvelles en fin d’année et rien n’avait été fait! J’ai même assisté à des violences d’enseignants sur leurs élèves pendant mes stages, je les ai signalé à notre référente comme d’autres stagiaires de cette école et rien a été fait. Voir autant de choses révoltantes et se sentir impuissante c’était impossible à supporter pour moi

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  4. Merci de ton partage ! En finissant la lecture je me suis dit  » je me sens moins seule » ! Je pense qu’en plus c’est d’autant difficile plus les enfants sont jeunes. Personnellement, je n’ai pas eu de mal avec les ados même si je avais que certains et certaines étaient (déjà) mal dans leur peau, je voulais les aider mais l’age a fait que je n’ai pas pu – rebelle attitude, genre j’écoute pas les profs.
    Ce qui est dommage c’est que je n’ai pas vraiment eu l’occasion d’en parler avec les autres de la promos, je suis partie comme une voleuse – je ne m’entendais pas avec eux, de toute façon. Mais ça m’aurait sans doute appris d’en discuter et de ne pas me dire aujourd’hui, deux ans plus tard : je suis pas la seule !
    Merci pour ton commentaire et j’espère que tu as trouvé un job épanouissant !

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  5. Bonjour Miss Avery. Etant AESH, je côtoie tous les jours des professeurs, tout ce que je peux dire c’est que certains sont faits pour ça, ils arrivent à faire passer le message et personne ne broche mais pour d’autres c’est plus difficile. Est ce lié à la formation de base, au caractère ? Je ne sais pas exactement mais ce n’est pas évident chaque jour.

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