NaNo Prompts 2022 – Jour 13

Jaimie était pourtant un garçon plein de ressources.

Les jumeaux étaient nés le 13 avril 1987. Leur parents, Sue et Connor, avaient trouvé drôle de les appeler presque pareil, alors qu’il étaient déjà physiquement identiques. Jaimie et James.

Sue avait rapidement quitté le navire, ayant eu deux enfants d’un coup, elle ne se sentait pas d’assumer son rôle de mère. Elle l’avait dit à Connor qui n’avait pas non plus su assumer son rôle de père. Avaient alors commencé les années de ballotage de famille d’accueil en famille d’accueil. Le seul point positif du système était qu’il n’était pas question de séparer les jumeaux. Ils avaient parcouru des kilomètres, mais, souvent, au bout de quelques mois ou quelques années pour certains cas, les familles n’en voulaient plus. Personne ne disait jamais pourquoi. Certaines familles, très croyantes, avaient affirmé que le diable possédait les jumeaux. Plusieurs. Mais les assistants sociaux, qui ne laissaient de toute façon pas leur croyance, quelle qu’elle fussent, interférer dans leur travail, repartait de plus belle pour placer Jaimie et James.

Dès l’enfance, un schéma semblait se retrouver, dans toutes les interactions que les jumeaux avaient avec le reste du monde. James parlait, Jaimie était toujours en retrait. Quand il parlaient entre eux, personne ne comprenait, et souvent, ils n’utilisaient pas des mots réels pour décrire de vraies choses. C’était connu, les jumeaux ont leur langue à eux, dont la science n’a pas réussi à percer le mystère. A l’adolescence, le schéma se renforça. Jaimie ne parlait presque plus, déjà, sauf quand James n’était pas là. Il était alors forcé de parle aux assistants sociaux ou bien à la famille dans laquelle il se trouvait. Personne n’avait réussi à percer le mystère du mutisme de Jaimie – non pas que plusieurs psychologues et psychiatre n’ait pas tenté de comprendre. Mais Jaimie se fermati de plus en plus et seul son jumeau pouvait le comprendre.

Et cela fonctionna, comme ça, jusqu’à leur dix huit ans. Ils vivaient dans un foyer à l’époque et il était de coutume de faire une fête pour l’anniversaire des membres du foyer. Les éducateurs et animateurs essayaient ainsi de compenser pour tous ceux qu’ils n’avaient pas eu. Et pas que les jumeaux. Ce jour du 13 avril 2005, il faisait beau. Tout le monde avait convenu de faire un barbecue et, pour une fois, on aurait presque dit que le foyer était un endroit normal, pas un endroit avec des enfants de la DDASS, inadaptés à la société, comme ils l’étaient souvent alors. Le foyer riait, étaient rempli des bruits ordinaire d’une maison. Les bruits presque d’une famille. Jaimie et James descendirent de leur chambre aux alentours de midi. Ce fut une explosion sur la terrasse. Des « joyeux anniversaires » furent chantés, pour une des premières fois dans la vie des jumeaux. James éclata de rire avec ses amis du foyer, pendant que Jaimie se contentait de sourire et dire merci du bout des lèvres. Il ne pouvait pas faire plus.

Vers quinze heures, pour la première fois depuis qu’ils étaient là, ils eurent le droit de sortir sans supervision d’un des éducateurs. Après tout, ils étaient majeurs et pouvaient, en théorie, faire ce qu’ils voulaient. Jaimie se contenta de remonter dans leur chambre. James, un peu plus aventureux que son frère, depuis toujours sortit. Il ne reviendrai jamais. Des recherches furent lancés, les autorités alertées. Mais qui s’occupait vraiment ‘un enfant de la DDASS, qui plus est qu’il venait d’avoir dix-huit ans. Plus besoin de faire attention à lui. Alors que le temps passait, plus personne ne parla de James et on demanda à Jaimie de partir. Il était majeur et il n’avait plus rien à faire dans un foyer.

Mutique au plus haut point, il commença à dormir dans la rue. La journée, il posait une casquette devant lui, sans écriteau ni rien, sans rien demander. Ceux qui voudraient l’aider le feraient. Les autres, tant pis.

Deux ans plus tard, on le trouva complètement paniqué dans un centre commercial. Il fut arrêté puis, devant son absence de réponse lors de l’interrogatoire, on pensa qu’il était tout simplement fou. Il fut envoyé dans un asile psychiatrique. Il s’y plut. Il faisait chaud, personne ne lui demandait rien. On lui donnait des médicaments. Il ne les prenait pas, mais personne ne lui disait rien. On le laissait tranquille. Une fois par semaine, il fallait qu’il voit un homme dans une pièce – un médecin, il le savait. Ce dernier attendait que Jaimie parle mais sans résultat.

Le Docteur Hillburn, c’était son nom, était fasciné par le cas de Jaimie. Ce gamin, sortit de nulle part, complètement fermé sur lui-même. La seule chose que l’on savait de lui était son nom et son prénom. Hillburn le voyait depuis maintenant cinq ans et il n’avait jamais rien dit. De son côté, fascination oblige, il avait fait des recherches. Rien de connu sur ce garçon. Il était comme invisible. Mutique et invisible, en voilà un qui allait finir par partir. Ravi de son trait d’humour macabre, il se le répétait souvent, faisant apparaitre un sourire incompréhensible aux yeux des autres. Des fois, cela arrivait pendant les séances avec Jaimie. Alors qu’il arrivait dans son bureau ce jour-là, il vit un tas de morceaux de journaux posés sur son bureau.

_ Wilma ? Qu’est-ce que c’est que ce bazar ?

_ Ah, oui, ce sont les dernier résultat de la recherche sur Jaimie. Je pensais que ça pouvait vous intéresser. Vous allez le voir aujourd’hui, non ?

Il prit les coupures de journées sans remercier sa secrétaire, qui partit en râlant. Le jour où elle ne râlerait plus, celle-là… Il parcourut les coupures, ne comprenant pas vraiment ce qu’elles faisaient là. Jusqu’à un article datant du 13 avril 2005. « Jeune de dix-huit ans disparu du foyer des Oiseaux. Aucune piste. ». Une photo de l’adolescent en question était dévoilée dans l’article. C’était Jaimie. Il lut l’article mais le prénom indiqué était James. A ça près, c’était troublant, il pouvait tout à fait s’agir d’une faute de frappe. Il plia le papier et le rangea dans la poche de sa chemise.

Hillburn entra dans son cabinet. Jaimie était le premier patient qu’il voyait. Tous les jeudis, à neuf heures. Jaimie n’était jamais en retard, il restait uniquement le temps qui lui était alloué, arrivait à avoir un genre de sourire en sortant jusqu’à la prochaine fois qu’ils se verraient. De la même façon que tous les autres jeudi, Jaimie s’assit dans le fauteuil qui lui était réservé et commença à jouer avec le jardin zen. Au début, Hillburn s’était demandé si ce n’était pas un gamin qui avait un retard mental pour toujours jouer avec un râteau et du sable. C’était la seule chose qu’il faisait. Mais il savait que Jaimie lisait beaucoup, qu’il jouait du piano d’une façon remarquable. A l’inverse, n’était-il pas ce que l’on appelait fut un temps un génie ? Impossible de le savoir sans que le jeune homme ne parle.

_ Bonjour, Jaimie.

Hillburn laissa passer un temps. Il attendit mais, contrairement à tous les autres jours, il savait qu’il tenait dans la poche de sa chemise, de quoi faire bouger le jeune homme.

_ Ou tu préfère que l’on t’appelle James ?

Le râteau s’arrêta et, lentement, Jaimie leva les yeux vers le docteur. Hillburn sentit le froid l’envahir. Ce n’était sans doute pas la chose à dire. Il n’avait jamais vu tant de haine dans le regard de Jaimie qu’à l’instant. De la haine mais autre chose aussi. Quelque chose d’incompréhensible. De la culpabilité ? Non, ce n’était pas exactement ça. En fond, en tout cas, ce qui ‘était clair, dans la posture de Jaimie, c’était qu’il avait un abattement profond.

_ J’ai touché un point sensible. Tu veux me parler de ta vie avant de venir ici ?

Jaimie haussa les épaules. Il tenta de reprendre le ratissage du jardin zen mais sa main tremblait beaucoup trop pour qu’il puisse réussir. L’essai ne se transforma pas et le jardin tomba au sol dans un bruit sourd. Jaimie le regarda pendant un instant avant de dire :

_ Pardon.

C’était un murmure, un bruit étouffé, comme s’il ne voulait pas qu’on l’entende et c’était sans doute le cas. Il ne parlait pas depuis qu’il était là. Et il ne devait pas beaucoup parler avant. Et si encore avant, il était James, qui sait ce qu’il avait fait pour avoir envie de cacher un pan entier de sa vie aux yeux de tous ?

_ Ce n’est pas grave, Jaimie.

Il se passa plusieurs minutes sans que personne ne dise rien. Jaimie leva de nouveau les yeux vers le médecin, quand le tremblement de ses mains se calma. Pas besoin d’être un expert pour lire ce qu’il y avait dans les yeux de son patient : l’espoir. Ironiquement, c’était la première fois qu’il voyait Jaimie porter du vert.

_ Tu veux me parler de James ?

Jaimie tourna la tête de gauche à droite. Personne ne pouvait comprendre ce qu’il ressentait, surtout pas Hillburn. Mais une porte s’était ouverte et il allait devoir se forcer à parler, parce qu’il ne pouvait pas juste refermer cette porte sans tenter de l’ouvrir davantage. Les efforts à fournir allaient être considérable. Mais James l’aurait sans doute fait pour lui, il le savait.

Jaimie se leva et prit le bloc note qui se trouvait inlassablement sur le bureua de Hillburn. Il prit un stylo et écrivit maladroitement : je ne suis pas James.

Le praticien le regarda d’un œil amusé et intrigué et demanda :

_ Alors pourquoi c’est toi sur cette photo ?

Il sortit de la poche de sa chemise une coupure de journal qui titrait de la disparition de James. En voyant la photo figée à jamais de son frère, Jaimie sentit les larmes lui monter aux yeux. Il avait un sourire charmeur. Le foyer des Oiseaux. Ironiquement sans doute leurs meilleurs souvenirs d’enfance / adolescence. Pourtant, qui voulait vivre en foyer ?

Jaimie tourna une fois de plus la tête de gauche à droite. Pas moi. James. Jumeau.

Il n’avait pas la force de parler, encore moins la force de faire des phrases, même à l’écrit. Il était parti dans ses souvenirs et il sentait une crise de panique arriver. Il ne voulait pas qu’Hillburn le voit ainsi, aussi ravala-t-il ses larmes.

Pistes ?

Le temps alloué était fini. Fidèle à lui-même, Jaimie se leva et sortit de la pièce, son drôle de sourire accompagné, pour la première fois, d’une bouffée d’espoir jaillissant de ses yeux.

Hillburn entendit le pas lourd de son patient dans le couloir. Alors qu’il tournait, Hillburn prit le bloc note. C’était bien une première. Jaimie qui note quelque chose. Ce n’étaient pas des phrases, juste des mots. Mais Hillburn comprit tout de suite. Ce n’était pas compliqué à comprendre. James, le frères jumeau de Jaimie avait disparu il y avait plus de sept ans de cela. Jaimie, choqué, était tombé dans un mutisme pathologique. Aujourd’hui, il pensait qu’Hillburn tenait une piste pour retrouver son frère.

Hillburn regarda les coupures de journaux. Puis la feuille gribouillée de Jaimie. Il n’avait pas de pistes. Mais ce n’était pas grave. Il sentait qu’il devait cela au jeune homme. Pourquoi ? Aucune idée. Mais il fallait qu’il tente. Le foyer des Oiseaux, il fallait qu’il commence par là.

Total des mots pour la journée : 1866

Total des mots pour le NaNo : 21 912

En plus : J’aime bien l’idée de ce que j’ai écrit aujourd’hui. Je la garde dans un coin peut-être pour un futur projet.

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