NaNo Prompts 2022 – Jour 19

Après tout, Terrence ne faisait plus la circulation depuis des années. Anna, qui venait d’arriver, ferait bien de trouver les causes l’accident sur l’M21.

_ Terrence, ce n’est pas une simple affaire de circulation.

Anna ne parlait pas. Elle était là depuis combien de temps, une semaine ? Sans doute plus. Ils avaient déjà enquêter sur une affaire ensemble. Deux mois tout au plus. Terrence était vraiment l’archétype du flic solitaire, du loup, qui résout les affaires dans son coin, sans jamais parler à personne. Il était bien, jusqu’à ce qu’il dérape. Alors, la capitaine Newton n’avait pas eu de choix que de lui attribuer un partenaire. Enfin, une partenaire, en l’occurrence. Terrence n’était pas contre les femmes dans la police mais il savait que la majeure partie d’entre elles étaient uniquement bonnes à prendre les plaintes – ce qu’elles faisaient magnifiquement bien, il faut le reconnaître.

_ Capitaine Newton…

_ Terrence, je ne vous demande pas votre avis.

_ Si ce n’est pas un accident de la circulation, comme vous me le dites, c’est que c’est un crime ou un délit. SI tel est le cas, je peux enquêter seul, je n’ai pas besoin d’Anna.

_ La question n’est pas de savoir si vous en avez besoin, Terrence. Elle fait équipe avec vous et vous lui accordez autant de crédit que n’importe lequel de vos collègues baraqué que vous aimez tant.

Terrence se maîtrisa pour ne rien laisser paraître mais le capitaine Newton le connaissait mieux que ça. Elle savait voir quand Terrence avait besoin d’aide ou non. Certes, il avait déjà travaillé avec Anna mais entre temps, il avait été pris par un affaire des mœurs qui n’avait pas requis l’aide de la jeune femme. Surtout parce que c’était encore une histoire de couple qui ne s’entend pas et qu’il avait fallu aller faire de la thérapie. Terrence était certain qu’il allait les revoir dans deux mois, sinon moins. Allez, trois ou peut-être six, si on est vraiment optimiste. Il connaissait la chanson depuis le temps.

La capitaine sortit de la pièce et laissa Anna et Terrence seuls. Elle s’éclaircit la gorge et dit d’une voix minuscule, qui ne lui donnait pas du tout d’avantage dans cette situation :

_ Je… je peux m’en occuper seule, tu sais.

_ Ce n’est pas ce que Newton veut, alors on va faire à sa façon, rétorqua Terrence sans regarder la jeune femme.

Il sortit à son tour de la pièce en claquant la porte. Il dévala les escaliers et alla se réfugier derrière le commissariat, là où tous les flics fumeurs fumaient depuis peu. Il était autorisé de fumer à l’intérieur, bien entendu, mais cela n’était pas logique dans la tête de Terrence. Fumer s’apparentait presque à être un voyou, alors qu’il était censé représenter l’autorité. La loi. Il était rentré dans la police pour cela. Il avait idolâtré ce métier. Quand on lui demandait ce qu’il voulait faire quand il serait grand, il répondait : arrêter les méchants. Jamais il n’avait remis ce souhait en doute. Il ne savait pas que les méchants qui l’attendaient, c’était des conjoints violents, des dealers qui tabassent une mamie ou un ado troublé qui décide de s’en prendre à sa mère. Il avait, dans la tête, des images bien précise de cette sauce hollywoodienne qu’on lui avait servie presque dès le biberon. Cette sauce qui voulait que les méchants étaient toujours des vrais méchants, qui étaient méchants juste pour être méchants, qui voulaient s’en prendre à la Terre entière. Terrence voulait être le héros. Il voulait sauver des innocents, trouver l’amour au détour d’un article du magasine pour lequel il travaillait. Mais la réalité, c’était que les méchants étaient méchants parce que, souvent, ils avaient une histoire familiale compliquée et qu’ils avaient besoin de s’en sortir, coûte que coûte. Des jeunes qui dealaient et qui tabassaient une vieille dame ne le faisaient pas par plaisir mais par nécessité. Drôle de société.

Il montra son badge et passa en dessous du ruban noir et jaune. Il aurait voulu que ce soit comme dans les séries. Ils arrivent, il y a des tonnes de personnes qui se pressent. Tout paraît simple. La réalité, encore une fois, était bien moins « glamour » que la fiction. Il était deux heures du matin et l’autoroute avait été fermée sur un tronçon. Terrence voyait déjà les gros titres dès le lendemain matin : « Rage chez les automobilistes suite à la fermeture impromptue de la M21 tard dans la soirée de vendredi ». Comme s’ils avaient choisi de la fermer.

Il avança sur le champ de ruine qu’était l’accident. Un car scolaire avait été percuté par une voiture qui avait été elle-même percutée par une autre voiture. Le conducteur du car avait perdu le contrôle du véhicule et le bus s’était encastré dans un camion. Dommage pour tout le monde, le camion transportait du carburant. Terrence regarda autour de lui. Il ferma les yeux et se passa la scène dans la tête, de ce qu’il pouvait reconstruire.

Boom. Klaxon. Boom. Klaxon. Crissement de pneus. Boom. BOOM.

L’odeur de brûlé n’aidait pas à se détacher du contexte. Les deux conducteurs dans les deux voitures étaient entrés dans le brasier sans faire marche arrière. De même pour le conducteur du camion. Pour le car scolaire aussi. Le conducteur et les vingt cinq enfants à bord étaient sans doute morts sur le coup. Terrence l’espérait. Mourir par le feu était sans doute une des pires morts possible.

Alors qu’il posa un pie devant l’autre, quelque chose crissa sous sa chaussure. Une paire de lunettes rose, avec des stickers sur les montures. Un frisson le glaça et, pendant un instant, il imagina sa propre fille dans ce car. Non, ne pas transférer, jamais, sous aucun prétexte. Les traces de combustion ne laissaient aucun doute sur la propriétaire.

_ Terrence ?

_ Hum ?

_ Je… Est-ce que ça va ?

_ Jamais fun un accident pareil.

_ Je ne… je n’ai pas dit que c’était drôle.

Terrence lui lança un regard en biais.

Ils passèrent la scène. Terrence savait qu’elle lui parlait mais il n’écoutait pas. Il n’avait pas envie d’écouter. La seule chose qu’il voulait faire, comme toujours au tout début d’une enquête, c’était comprendre. Et il avait beau se creuser la tête, il ne voyait pas pourquoi Newton l’avait envoyé sur cette affaire. La première voiture perd le contrôle. La seconde suite. Le car. Le camion. Rien de bien surprenant. Personne pour témoigner tout le monde est…

Il entendit un bruit et fit signe à Anna d’arrêter de parler. Étonnement, elle se tut et le regarda avec attention. Elle était derrière lui mais il avait eu assez de partenaires pour savoir comment cela marchait. Terrence savait qu’il était particulier. Il avait un petit côté Columbo. D’autres disaient qu’il ressemblait plutôt à Jean-Baptiste Adamsberg, un héros de polars français. De ce qu’il en avait compris par ses collègues – la lecture n’était pas du tout le truc de Terrence, si tant est qu’il aie vraiment un truc – c’était un type assez affable, doué, très doué. Doué pour tout résoudre dans sa tête et comprendre tout de suite qui était le tueur mais tout de même faire une enquête dans les règles. De loin, Terrence comprenait pourquoi la comparaison était facile. Il était vrai qu’il était un peu comme ça. Toujours… renfermé. Le fait est qu’il analysait tout ce qu’il voyait, entendait, sentait. Le processus pour comprendre ce qui se passait était ensuite interne : le cerveau de Terrence mélangeait tout ce qu’il avait perçu et il comprenait tout, parfois juste avec un élément incongru. Au commissariat, il était aussi connu sous le surnom Hercul Poirot. Il n’aimait pas ce personnage belge écrit pas une anglaise, toujours impossible à vivre avec son éternelle moustache. Il le trouvait arrogant et toujours très… mystérieux sans raison. Du moins, c’était ce que lui avait ressenti en lisant un ou deux bouquins – soit disant les meilleurs – avec ce héros.

Le bruit, encore. Une étoffe que l’en tient fermement, comme si… comme si on avait peur.

_ Terrence ?

_ Chut !

Il s’avança et passa derrière la carcasse du bus. Là, dans la soute, il y avait une petite fille. Elle n’avait aucune trace de suie sur elle. Elle portait un tee-shirt rose, un tutu rose et des ballerines roses. Terrence la regarda, ébahi que personne ne l’aie vue avant maintenant. Elle frottait son tutu entre ses doigts. Oui, c’était bien le bruit qu’il avait entendu.

_ Terrence ! Qu’est-ce que…

Il tourna la tête vers Anna et lui pointa la petite fille du doigt. Il vit Anna regarder vers la soute puis leva un sourcil interrogateur vers Terrence. Ce dernier regarda la petite fille qui eu un signe de dénégation. Il se releva et cligna des yeux. Elle était là, il la voyait. Pourquoi….

_ Terrence, t’as vu un truc, dans la soute ?

_ Je… je ne suis pas sûr…

Cela ne lui ressemblait pas d’être aussi peu sûr de lui. Pourtant, l’aura rose de la fillette luisait devant lui. Comment les autres ne pouvaient-ils rien voir ?

_ Accident de la route, statua Anna après deux heures de recherche.

La fillette avait suivi Terrence partout. Il hocha la tête. Il ne voyait rien qui indiquait quoi que ce soit d’autre.

_ Non !

C’était la voix de la petite fille. En fond, elle frottait toujours son tutu. Terrence tourna vivement la tête vers elle, comme il le faisait quand sa propre fille disait non. Il la regarda puis s’éloigna des autres.

_ Je suis le seul à pouvoir te voir ?

_ Oui. Mais ce n’est pas un accident.

_ Comment tu le sais ?

_ Je le sais. Et toi aussi, tu vas bientôt le savoir.

_ Comment…

Elle commença à chantonner puis s’en alla. Terrence ne pouvait l’expliquer mais il était persuadé qu’elle avait raison. Elle avait l’air si vrai. Mais pourquoi était-il le seul qui pouvait la voir ? La seule explication : la fatigue. Terrence était bien trop terre à terre pour croire aux fantômes.

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En plus : pas trop inspirée aujourd’hui. Je conserve quand même mon avance et on verra ce que ça donne demain !

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