NaNo Prompts 2022 – Jour 27

En jouer, allègrement. Laya avait toujours manipulé son mari, et ce dès qu’ils avaient commencé à sortir ensemble – ou plutôt dès leur rencontre. Elle l’avouait bien volontiers à ses amies lors de leur déjeuner hebdomadaire. Elle racontait comment, avant même qu’ils ne se rencontrent, elle avait appris tout ce qu’il y avait à savoir sur Louis, passant en revue tout ce qu’elle pouvait. Elle était même aller jusqu’à regarder dans ses poubelles, pour voir quel type d’aliments il mangeait, pour qu’elle se prépare à être LA femme parfaite pour lui. Laya n’avait pas conscience du côté dérangeant de son obsession pour Louis. Ses amies lui avait dit qu’elle faisait un peu penser à une de ces groupies de groupes de rock mais elle avait ri et avait dit « j’étais amoureuse, voilà tout ».

Louis et Laya s’étaient rencontrés – selon ce que Laya avait voulu – au centre commercial. Elle avait attendu qu’il soit en train d’acheter des livres – tous les débuts de mois, il allait à la librairie – et elle y était allée en même temps que lui. Elle connaissait ses goûts et s’était rendue dans le même rayon que lui, à prendre des livres qu’elle savait qu’il avait déjà lu. Il en fut ainsi trois mois d’affilée. Laya attendait que Louis fasse le premier pas et il le ferait elle en était certaine. En effet, le quatrième mois, après rois mois de sourire poli et de bonjour timide, Louis s’avança vers elle et lui demanda si elle avait aimé celui qu’elle avait acheté le mois passé. Laya, qui avait prévu que Louis lui poserait cette question, avait lu un résumé détaillé sur Internet, des avis, pour pouvoir débiter des réalités de lectures. Elle ne savait pas si lui avait aimé le livre, mais au fond quelle importance ?

_ J’ai trouvé le début un peu plat mais après, quelle explosion. Même si on peut trouver que ça fait un peu trop, j’ai été charmée.

Le sourire de Louis lui indiqua qu’elle avait visé juste.

_ Si vous avez aimé celui-là, vous devriez aimer celui-ci.

Il lui tendit un livre avec une couveerture hideuse, dont le titre n’inspirait rien à Laya mais elle se contenta de sourire, le remercier puis lui dire :

_ Vous êtes libraire ?

_ Oh, non. Je… j’aime beaucoup la lecture. Non, je… je travaille dans un grand groupe pharmaceutique. Je développe des médicaments. Je sais, ce n’est pas passionnant.

_ Hum… scientifique et littéraire, bon combo…

_ Louis.

_ Laya.

_ Enchanté.

_ De même.

Alors qu’ils se dirigeaient vers la caisse en même temps, il lui proposa de lui offrir le livre. Elle refusa poliment mais comme il insistait, elle accepta. En sortant du magasin, alors qu’il lui tendait le livre, elle dit :

_ Pour compenser, je t’offre un café ?

Tout était prévu, depuis le début.

Pendant deux ans, ils vécurent heureux. Ils n’emménagèrent pas tout de suite ensemble. De la même façon que pour les livres, Laya attendait que Louis demande. Elle l’emmenait vers ce terrain en lâchant des phrases comme « j’adore ta décoration, t’as vraiment du goût » ou « peut-être qu’un jour, ça pourrait être notre canapé ». Louis, amoureux et surtout aveugle aux effets de sa chère et tendre, ne voyait pas tout cela. Au bout d’un an, ils emménagèrent ensemble, dans un appartement qui avait officiellement été choisi par Louis mais qui, officieusement, était bien évidemment l’œuvre de Laya. Ils ne se disputaient jamais. Il était arrivé que le ton commence à monter – les rares fois où Louis avait commencé à se rendre compte que sa petite amie était une manipulatrice – alors, elle se taisait, s’aplatissait, s’excusait. Elle savait comment jouer le jeu. Après ce genre de scène, elle se calmait pendant un temps, le laissant faire tout ce qu’il voulait, lui proposant des choses qu’elle savait qu’il allait aimer – même si elle les détestait – puis le cycle recommençait. Indétectable. Du moins aux yeux de Louis et c’était uniquement cela qui comptait. Elle savait que sa belle-sœur Laura et sa belle-mère Andréa ne l’aimaient pas beaucoup mais un jour, Louis leur avait dit que ce n’était pas à elle de choisir sa compagne. Les deux femmes n’avaient jamais reparlé mal de Laya et cette dernière savait qu’elle devait faire attention quand elle était chez eux ou bien quand ils allaient passer quelques jours dans la famille de Louis, souvent pour les vacances d’été.

Leur mariage fut un des plus beau jour de sa vie. Elle était comme dans les films, mariée en blanc – même si officiellement, bien sûr, cela n’avait pas lieu d’être – avec ce magnifique homme à son bras. Ils s’étaient promis de s’aimer pour le meilleur et pour le pire. Pendant un instant, elle avait presque oublié son rôle – presque. Et puis la vie avait repris. Elle s’était inventée une carrière d’artiste et Louis, amoureux comme au premier jour, avait bien évidemment soutenu sa décision. Ils vivraient du trust que ses parents avaient ouvert au nom de Louis quand ils étaient enfant, si son salaire ne suffisait pas. Comme le disait Laya « Il faut bien qu’on pense à partir en vacances ». Louis approuvait, comme toujours. Elle ne lui montrait aucune de ses œuvres, indiquant qu’elle attendait que ces dernières soient terminées. Au bout de trois ans de mariages et pas de bébé, Louis commença à lui demander si elle n’avait pas menti. Voulait-elle vraiment des enfants ? Ce fut une passe compliqué, dans laquelle les espaces étriqués s’avérèrent utiles. L’immeuble avait souvent des pannes d’ascenseur – habillement saboté par Laya – et dans leur appartement même, elle avait installé des petits mécanismes indétectables pour l’œil humain ordinaire, des mécanismes qui permettait de fermer les verrous afin que Louis se retrouve enfermé dans les toilettes, la salle de bain. Une fois, elle avait même fait en sorte que la porte de la cuisine soit bloquée. Elle était toujours là quand ça se passait – heureusement, disait Louis une fois que la crise de panique était passée, sinon comment aurait-il fait – et elle était là quand le problème était résolu et elle le réconfortait. Cela abaissait les tensions.

Elle entra dans le hangar abandonné après avoir vérifié que personne ne la suivait. Depuis le temps, elle avait l’habitude. Elle avait développé un genre de sixième sens pour ce genre de choses, sans vraiment savoir pourquoi ni comment. Un jour, elle s’était juste réveillée avec ça. Pratique, dans son cas.

Elle s’approcha du mur du fond, entra le code et emprunta les escaliers qui apparurent dans la cloison cachée. Elle se retourna pour ne voir personne, attendit, comme à son habitude, que la cloison se referme et avança dans le couloir. Les lasers étaient un jeu d’enfant – surtout que le schéma n’avait pas été changé depuis au moins six mois – le scanner digital et rétinien pareil. Elle arriva dans la salle principal, salua quelques personnes et se dirigea vers le bureau de Gwendoline, sa supérieure. Par la porte vitrée, cette dernière lui fit signe d’entrer, même si elle était au téléphone. Elle continua sa conversation alors que Laya attendait, assise sur un des magnifique fauteuil en face du bureau de sa chef. Elle savait ce qu’elle avait à dire, elle se le répéta encore une fois, comme pour être certaine d’elle. Pourtant, elle n’avait jamais douté en six ans.

Gwendoline se tourna vers elle et lui demanda :

_ Alors, ça va ?

_ Oui, ça va.

_ La mission ?

_ J’ai trouvé quelques éléments dans le bureau de Louis. Rien de transcendant.

_ Tu travailles toujours à aller dans son vrai bureau ?

_ Oui, mais il ne veut pas. Et à dire vrai, cela créé des tensions.

_ Il me semble que tu sais les apaiser, non ?

Elle lui lança un regard lubrique qui lui déclencha un frisson dans le dos. Elle devait bien elle-même avouer que le sexe avec Louis était loin d’être décevant. Si toute leur relation etait un mensonge, une couverture, elle savait parfaitement que leurs relations intimes étaient la seule chose qui étaient vraie dans tous ces mensonges.

_ Oui, je sais. Il y a… il y autre chose.

_ Quoi ?

_ Le bébé.

Gwendoline fronça les sourcils en regardant le ventre de son employée. Laya soupira et dit :

_ Non, je ne suis pas enceinte. Mais il veut que je le sois alors… je fais quoi ?

_ Comme d’habitude.

_ Ça ne marchera pas. Il veut un enfant, Gwendoline. Il n’en démordra pas. Je ne peux pas continuer à jouer avec ses nerfs juste pour effacer cette envie. Elle est ancrée en lui.

Gwendoline se leva de son siège, fit le tour du bureau et se pencha vers Laya.

_ Tu n’es pas en train de vraiment tomber amoureuse de lui, dis-moi ?

Laya eut envie de rire.

_ Non. Je veux juste mener à bien la mission. Je suis sur la même chose depuis six ans, Gwendoline. J’aimerai bien passer à autre chose.

_ Vraiment ?

Elle ménagea une pause théâtrale avant de reprendre :

_ Parce que je pourrais comprendre que tu es tombée amoureuse de ta cible. Dans e genre de missions sur le long, voire très long cours, les agents tombent amoureux.

Laya leva les yeux vers sa supérieure et lui dit :

_ Je ne suis pas amoureuse de Louis. Il est ma cible, je sais ce que j’ai à faire.

_ Tu n’oublies pas le but final ?

_ Non, je ne l’oublie pas.

Comprenant au silence de sa cheffe que la réunion hebdomadaire était finie, elle se leva et partit dans la salle de pause. Elle espérait y trouver Dana, une des seules collègues qu’elle avait réussie à garder depuis qu’elle était sous couverture comme la petite amie puis la femme de Louis. Les autres, ses ancien.ne.s partenaires, étaient tou.te.s parti.e.s dans des pays étrangers ou alors toujours en mission à droite et à gauche. Elle stagnait depuis des années, coincée dans cette peau de desperate housewives qui collait un peu trop à son goût. Elle avait toujours su qu’elle n’était pas faite pour la vie en banlieue avec le chien, la maison,les enfants, le mari et la Volvo mais depuis qu’elle était mariée, officiellement qui plus était, avec Louis, elle haïssait de plus en plus ce mode de vie. La seule raison pour laquelle elle continuait, c’était ce que Louis pouvait apporter à l’humanité. Il ne parlait jamais de son travail mais elle en savait plus que ce qu’elle ne disait – en même temps, on est espionne ou on en l’est pas. Louis travaillait sur un élixir qui aurait peut-être le pouvoir de stopper la dégénérescence des cellules et donc de rendre les gens immortels. Du peu qu’elle avait pu trouver sur le sujet dans les maigres papiers que Louis ramenait du travail, c’était un projet top secret – sans déconner ? – sur lequel il était depuis dix ans. L’organisation en avait eu vent et avait tenter de mettre la main sur es informations avant de lancer l’opération Brunette, celle qui ferait d’une agente la femme de Louis, pour lui soutirer des informations.

Dana ne venant pas, Laya ressortit de la base et marcha les deux kilomètres à travers bois pour retrouver le chemin de randonnée et, au bout, le parking où elle avait laissé sa voiture.

Alors qu’elle faisait tourner dans sa tête les dernières trouvailles de Louis – il avait réussi à sauver, encore une fois, Patoche, le rat subissant toutes ses expériences de la mort ; la rat avait désormais vingt ans, contre une espérance de vie en moyenne de 5 ans – elle entendit son prénom derrière elle. Puis rien. Elle avait du rêver.

_ Laya ! C’est moi !

Elle sentit son corps se crisper. C’était Jill, une des femmes avec lesquelles elle se réunissait tous les jeudis midi pour faire comme si elle appartenait vraiment à cette vie. Elle n’avait pas du tout envie de lui parler. Mais inutile de savoir ce qu’elle voulait, cela ne comptait plus depuis six ans.

_ Jill ! Qu’est-ce que… qu’est-ce que tu fais là ?

_ J’avais besoin de m’aérer, tu sais ce que c’est, la vie seule dans une grande maison vide.

Jill était la seule autre femme de leur « cercle » à ne pas avoir d’enfants. Profitant de ce début de confidence, Laya demanda :

_ Je peux te poser une question ?

_ Bien sûr ma chérie.

_ Richard et toi… vous n’avez pas envie d’avoir des enfants ?

_ Oh, Richard en veut mais moi non.

_ Et il est d’accord pour ne pas en avoir ?

_ Il n’a pas le choix.

Elle lui fit un clin d’œil que Laya ne comprit pas. Elle l’encouragea à poursuivre.

_ J’ai été voir un médecin. Il m’a fait un faux résultat d’analyse Selon lui, je suis stérile. Pratique, non ?

Laya fronça les sourcils. Elle avait toujours vu Jill comme une femme stupide qui n’avait aucune envie de faire quoi que ce soit de sa vie. En ça, elle s’en était vite fait une alliée puisque, de prime abord, Laya était exactement la même personne. Mais elle avait en fait un côté manipulation, elle aussi. Sans doute pas pour les même raison que Laya, cela dit.

_ Je t’envoie le nom du gars par SMS. Tu feras ce que tu veux. Je dois y aller, j’ai cardio dans vingt minutes avec Manuel.

Nouveau clin d’œil. Jill n’était pas la reine de la discrétion sur le reste mais elle avait certainement gardé le petit détail de sa stérilité pour elle.

Laya sortit son téléphone et envoya un message simple à Gwendoline : « Ai peut-être trouvé solution. Te teins au jus la semaine prochaine. » Elle monta dans son SUV – cadeau de Louis – et prit la route. Elle tourna à gauche à Longside Park et prit la direction opposé à la maison qu’elle habitait avec Louis. Après tout, Jill n’était pas la seule à avoir un prof de sport.

Elle sonna à la porte. Quand cette dernière s’ouvrit, un sourire lui illumina le visage. Celui en face d’elle était grave.

_ Quoi ?

_ Deux semaines ?

_ Tu sais que j’ai du boulot.

_ Ouais, je sais surtout ce que c’est que ton boulot.

Elle se tourna vers sa femme et la regarda de haut en bas. La porte se ferma et Laya accrocha sa veste à la patère de l’entrée. Au loin, elle entendait Bella jouer dans le jardin.

_ Tu vas pas me faire un caca mou quand même ?

_ Pourquoi ça fait deux semaines que t’es pas venue ? Ou que t’as pas répondu à mes SMS ?

_ J’avais autre chose à faire ?

_ Quoi ? Le baiser ?

_ Entre autres, oui, ça fait parti du job. Tu le sais. Et la semaine dernière, j’avais oublié de te dire qu’il était en vacances, donc, je ne pouvais pas exactement faire ce que je veux.

Margo se rendit dans la cuisine, suivie de Laya. Alors que les deux regardait vers leur pelouse magnifiquement tondue, Margo laissa échapper :

_ Tu manques à ta fille.

_ Je sais, ma chérie, je sais.

Total des mots pour la journée : 2535

Total des mots pour le NaNo : 48 603

En plus : On parle du fait que je vais finir le NaNo demain ? Bon allez, j’arrête de me vanter. J’aimerai bien continuer cette histoire, pourquoi pas. En tout cas, j’ai bien aimé l’écrire.

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